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Étude de cas sur le Patrimoine

rédigé en mai 2012

Un patrimoine marseillais

Photo d’Anne-Laure Thomas
La Bastide (nom générique du domaine) se définit par l’union de la maison du maître (château ou maison bourgeoise) et des bâtiments d’exploitation occupés par une domesticité paysanne, préposée à l’exploitation du domaine. Jean-Claude Chamboredon

La villa Bel Air est un vieux monument qui fait partie, au titre de Bastide, de l’histoire de Marseille et de ses habitants. Elle joue également un rôle de connection entre ce que fût Marseille et ce qui forme la ville actuellement. À l’origine c’est un site rural, éloigné de la ville, une maison de villégiature si l’on peut dire.

 

Actuellement, la bastide et son parc sont totalement intégrés à la géographie marseillaise mais conserve sur le territoire qu’elle occupe le souvenir du passé et d’une forte symbolique.

D’après la définition de Patrice Béghain, le patrimoine se compose “des réalités matérielles et des données immatérielles. En facteur commun, une relation au passé, un legs de mémoire. Quel passé, quelle mémoire ? Élaboré par qui, pour qui ?”


Cet article de La Marseillaise met en évidence ces questions et traite des problématiques liées au territoire, à l’histoire, à la préservation et à l’intérêt public.

Et pose d’autres questions sous-jacentes :

Qu’est-ce qu’un site “digne d’être conservé” ?

Peut-on déclasser un espace boisé et son bâti ?


Pour répondre à ces questions et mieux cerner le cas de la bastide Bel Air, je me suis également appuyée sur les articles de Nicole Mathieu & Jean Moulias traitant respectivement de :

Relations ville-campagne : quel sens, quelle évolution ?

Pour une politique de préservation du patrimoine rural

 

 

 

Résumé chronologique

• 1871, construction de la bastide nommée “Bel Air”.

• Patrimoine local au PLU* : bastide classée (espace boisé et élément du patrimoine).

• Caserne hébergeant les gradés de la gendarmerie.

• 2005, la bastide est laissée à l’abandon.

• Pillée par des antiquaires pour ses grilles et lanterneaux.

• Occupée par des SDF et des “Don Quichotte”.

• 2009, décision de l’enquête : déclassement de la Bastide en tant que “autre élément du patrimoine”. La Mairie de secteur donne un avis défavorable au projet envisagé par la Mairie centrale.

• 2011, la Ville de Marseille rachète une partie du terrain à l’État pour le revendre dans la foulée à un promoteur privé (vente sous réserve d’acceptation du permis de construire).

 

 

Bel Air, patrimoine rural dans la ville

1948-2008

“Le patrimoine rural, legs des générations qui ont façonné les paysages et les cultures locales, constitutif de l’identité de nos territoires, est menacé par l’évolution économique et sociale, accélérée par la mondialisation”. Jean Moulias

 

Totalement ancré dans la symbolique d’un site rural, la bastide Bel Air subi l’urbanisation croissante de la ville.

 

À la vue de ces deux photos, la première datant de 1948 et la seconde de 2008, il apparaît clairement que la ville autour du site c’est modifiée. On a d’une part la disparition d’exploitations agricoles et d’autre part la création d’une passerelle autoroutière venant disloquer le tissu villageois. Marseille s’est agrandie, elle est devenue une “métropole”.

 

De ce fait, la Mairie centrale a pris en main le devenir de la bastide en rachetant tout le terrain à l’État. Avant 2005, l’entrée du parc appartenait à la Ville de Marseille (sur 1 032 m²) mais la majorité du site était la propriété de l’État (soit 8 410 m² sur environ 9 440 m² de surface globale). Sa sauvegarde, sous l’égide de l’État, aurait pu dépendre du ministère de la Culture au titre de patrimoine rural.

 

À la question : qu’est-ce qu’un site digne d’être conservé ? On peut se demander, si comme le dit clairement Jean Moulias, le patrimoine rural autrement appelé “petit patrimoine” n’a pas était oublié, caché par le patrimoine monumental.

 

Cependant en 1964 avec le grand inventaire commandé par Malraux (qui était l’actuel ministre dela Culture et de la Communication) tout patrimoine devient important à signifier... selon la célèbre formule de la “petite cuillère à la cathédrale”.

/// Ministère de la Culture, André Malraux : « l’inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France »

 

Dans le cas de la bastide Bel Air, il ne s’agit non pas d’une petite cuillère, mais pas également d’un lieu identifié aux valeurs et à l’esthétique reconnue comme peut l’être une cathédrale.

Néanmoins en se basant sur la réflexion qu’entretient Jean Moulias, il est nécessaire de se poser les questions différemment ; la France ne brille pas qu’à travers son patrimoine monumental mais également avec ce qui constitue sa culture, en d’autres termes sont “petit patrimoine” ou encore son “patrimoine local”.

 

Une bastide, cela ne parait pas nécessaire à classifier, conserver, protéger, valoriser.

Cependant la bastide s’inscrit dans la ville de Marseille de manière aussi importante que peut l’être “la bouillabaisse”.

 

À l’époque de sa construction, elle symbolise un rêve marseillais : travailler à la ville et retrouver le calme de la campagne au bout d’un chemin.

 

D’après l’article Bastides et cabanons*, il est essentiel de se demander le rôle qu’entretiennent les bastides avec la ville et la symbolique de celles-ci auprès des marseillais et des visiteurs.

Cette réflexion amène les questions suivantes : inscrite dans le territoire en perpétuelle évolution, la bastide n’a-t-elle pas sa place en tant que patrimoine local ?

 

Ce bâtiment a un poids historique, du fait de son ancrage sur le territoire il fait partie de la géographie mentale de Marseille.

 

 

 

Qui peut de ce fait déclasser ce site (espace boisé et son bâti), comment et pourquoi ?

Il y a un grand désintérêt pour le “patrimoine rural” de la part des institutions.

 

La gendarmerie loge des troupes dans la bastide Bel Air, qu’elle abandonne en 2005. L’État - toujours propriétaire de la parcelle où se trouve la bastide - en accord avec la mairie centrale et la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole ouvre en août 2009 une enquête publiquepour la révision du PLU. Cette enquête a pour but de déclasser une partie de l’Espace Boisé Classé du parc ainsi que la suppression de la bastide de la liste « autre élément du patrimoine » dans le but de lotir le terrain avec 86 logements dont 50% de logement social. Malgré une opposition des habitants et du maire de secteur, la conclusion que donne le commissaire enquêteur est : AVISFAVORABLE sans réserve.

 

De son côté, le maire des 13è/14è arrondissements, Garo Hovsepian, « s’oppose à densifier le parc locatif social de ce quartier qui est déjà de 75%, comme [il] conteste la réduction du seul espace boisé classé du secteur et la démolition d’un élément du patrimoine. » et il propose ainsi « un projet davantage raisonné, durable et diversifié avec la réhabilitation de la bastide et de son parc en équipement public de proximité, une offre de logement limitée et adaptée ainsi que la sécurisation de la trame circulatoire ». Et il demande « d’élaborer en concertation avec la Mairie de secteur et la population locale un projet plus cohérent. »

 

Cette enquête a était mené sans aucun avis de professionnels du patrimoine et dans un délai très court (34 jours d’après le registre de l’enquête). D’après un dossier du PLU datant de juin 2010, la Mairie vise à réduire l’espace boisé : “Toutefois, sa mise en œuvre nécessite la réduction de la servitude d’Espace Boisé Classé d’une surface actuelle de 0,3 ha m² inscrite sur le document graphique du PLU au titre de l’article L.130-1 du code de l’urbanisme. La réduction porte sur une surface de 0,1 ha.”

 

Cette enquête à l’avis favorable sans réserve malgré l’opposition du maire de secteur et des voisins démontre bien la négligence vis à vis du patrimoine rural (ensemble complexe de biens, matériels ou immatériels, issus, au long des siècles, des sociétés qui ont vécu dans nos campagnes, Jean Moulias) qui est en difficulté face au progrès et aux décisions politiques.

 

Jack Lang en 1998 souhaite une “pérennité de la politique publique du patrimoine, considérée non seulement comme une valeur idéologique, mais aussi comme un enjeu de développement économique et d’aménagement du territoire”.

 

Les trois objectifs d’une politique patrimoniale sont d’identifier, protéger et valoriser. Or les choix de la Ville de Marseille vont dans le sens inverse, allouant le progrès, les techniques et le “social” la Ville souhaite construire un nouvel ensemble immobilier sur ce qui était jadis un lieu symbolique marseillais et qui pourrait devenir actuellement un lieu social dans le respect de son site et des volontés citoyenne et politiques territoriales ; c’est à dire en s’appuyant sur les volontés des voisins et du maire de secteur : premiers concernés dans la politique de restructuration territoriale.

 

Le patrimoine prend tout son sens quand il est joint au lien social : “Chaque édifice [...] est étroitement lié à une fonction sociale, à l’exercice d’une pratique collective ; même lorsque cette fonction s’atténue, voire disparaît, les hommes n’en continuent pas moins de vivre autour du monument” (P.Béghain)

 

Le site de la bastide peut ne pas avoir la dénomination de “patrimoine” au sens monument, artistique et esthétique mais il est l’un des derniers espaces relevant du patrimoine culturel identitaire marseillais. Il représente par son statut social et son coeur vert au sein d’une cité un“patrimoine du faubourg marseillais”.

 

Il a donc un statut particulier, presque de l’ordre de la fabrication identitaire. Jean Moulias pourrait appuyer ce statut : “le patrimoine rural n’est pas mort mais vivant, lié à l’usage de ses habitants.” La place des citoyens marseillais et de la Mairie de secteur (13/14) est donc primordiale mais bafouée par les choix politiques de l’institution dominante (la Mairie de la Ville de Marseille). Ce qui interroge sur l’évolution de ce site et de la polémique.

 

 

Vers une conservation et une rénovation, ou une destruction ?

Le déclassement du site peut entrainer un nouvel usage favorable au désir de la population locale (citoyenne et politique) mais uniquement dans la mesure de penser le site autrement ; c’est à dire en sauvegardant ce qui le constitue : son espace boisé et son bâti (du XIXème).

 

La bastide Bel Air est donc un espace naturel et social qui :“Invite à la réflexion sur le rapport entre la ville et la nature, le sauvage et l’apprivoisé, le passé et le futur.” Gilles Clément, jardinier-paysagiste.

 

Ce lieu est de fait, lié au passé et au futur et reste garant d’une polémique patrimoniale et politique complexe qui met en péril un patrimoine culturel marseillais. Et qui suppose d’être attentif dans l’avenir pour connaître son évolution.